Russell

Sa vie fut longue et lui permit d'être l'auteur de plus d'une quarantaine d'ouvrages concernant la philosophie des mathématiques, la philosophie des sciences, l'éthique et la politique. Il a laissé en logique une œuvre dont l'influence est fondamentale. Pacifiste convaincu il défendit avec fougue ses idées morales et politiques.

Sommaire

Les sources de sa pensée.

La vie de Russell

Apport conceptuel.

Principales œuvres.

Les sources de sa pensée.

Il prolonge les recherches des philosophes mathématiciens Boole, Schröder, Frege, Couturat, De Morgan et Peano. Il collabore avec Whitehead. On notera aussi l'influence de John Stuart Mill.

La vie de Russell

Bertrand Russell naît à Trelleck (Pays de Galle) en 1872. Il est le fils cadet de Lord et Lady Amberley. Ses parents sont agnostiques. Orphelin très tôt, il est confié à Richmond à sa grand-mère, Lady John Russell, une femme austère.
Son éducation est à la fois aristocratique et politiquement libérale (il s'émancipe rapidement du puritanisme de sa grand-mère). Il fait ses études au Trinity College de Cambridge jusqu'en 1894 puis voyage en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. Il devient ensuite enseignant au Trinity College d'abord comme fellow puis comme maître de conférence. Il a Wittgenstein comme élève.
En collaboration avec Whitehead, il écrit les Principia mathematica (1910-1913).
Quand éclate la première guerre mondiale, Russell se range dans le camp des pacifistes, raison pour laquelle il est évincé de Cambridge en 1916. En 1918, il est même emprisonné à Brixton. Il en sort convaincu de l'urgence des réformes en Grande-Bretagne. Il visite la Russie soviétique (1920) et fait un séjour dans la Chine du Kuomintang, enseignant à l'université de Pékin (1921-1922), ce qui le déconcerte. Décidé désormais à vivre de sa plume, il rédige les Principes de reconstruction sociale qui paraissent en 1926. Il milite alors au côté du Labour et défend notamment le suffrage des femmes et la législation de l'union libre. De 1928 à 1932, de retour en Grande-Bretagne, il dirige la Beacon Hill School, établissement privé expérimental pour jeunes enfants.
À la suite du décès de son frère aîné, il siège en 1931 à la Chambre des Lords.
De 1938 à 1943, il enseigne aux États-Unis successivement à Chicago, Los Angeles et Philadelphie mais est interdit d'enseignement au New York City College par la Cour suprême de l'Etat de New York parce qu'il avait attaqué la religion dans Ce que je crois (1925), défendu la liberté sexuelle dans Les Mœurs et principes moraux(1929), et fait preuve d'anticonformisme dans Education et ordre social (1932). Il rentre au Royaume-Uni en 1944 où il est réélu à Cambridge. Si ses positions pacifistes sont plus modérées durant la seconde guerre mondiale (il comprend alors que des valeurs morales vitales sont en jeu), elles reprennent toute leur force à partir de 1945 où il lutte pour l'arrêt des recherches nucléaires. En 1949, il est décoré de l'ordre du mérite par George VI. En 1950, il obtient le prix Nobel de littérature au titre de "porte-parole de la pensée libre, de la raison et de l'humanité".
Au début des années 60, il fonde avec Sartre le tribunal "Russell" destiné à juger les crimes de guerre commis par les Américains au Vietnam. La Fondation Russell pour la Paix vise à rendre impossible toute velléité d'agression et à obtenir la condamnation publique des agresseurs. Mais à plus long terme Russell veut promouvoir les conditions et institutions d'un gouvernement mondial. Il est incarcéré, à l'âge de 89 ans, à la suite d'une manifestation antinucléaire.
Il meurt en 1970.

Apport conceptuel.

Russel procède avec Whitehead à une "logicisation" des mathématiques. Il veut montrer que toutes les opérations mathématiques peuvent être réduites à des principes logiques fondamentaux. L'arithmétique devient alors une simple extension de la logique qui est elle-même axiomatisée. "La logique est la jeunesse des mathématiques". Il réforme la logique et construit une logique formelle des relations. Alors que la logique classique, issue d'Aristote, est fondée sur l'opposition entre la substance et ses attributs, prenant pour éléments de base les termes et pour objet d'étude leurs relations, la logique fondée par Russel et Whitehead renverse cette manière de penser : ce sont les relations qui sont considérées comme éléments de base et il s'agit de penser les termes formés par ces relations. La logique n'est plus alors une explicitation des lois de la pensée mais une théorie de l'implication et un calcul. Les constantes logiques, trop primitives pour qu'on puisse en donner une définition, peuvent néanmoins être énumérées. Parmi les plus importantes figurent l'implication, la classe, l'appartenance à une classe, la notion de relation etc.
Suite aux travaux de Frege et de Peano, concernant la logique mathématique et aux contradictions inhérentes à la théorie des ensembles de Cantor, Russell examine les problèmes liés à la distinction entre classe d'objets et ensemble. En particulier il se pose la question de savoir s'il peut exister un ensemble de tous les ensembles. Dans l'affirmative, cet ensemble de tous les ensembles devrait appartenir à lui-même (puisqu'il est un ensemble) ce qui constitue une contradiction. La question est encore plus délicate si on considère l'ensemble de tous les ensembles n'appartenant pas à eux-mêmes. Russell pose la question au moyen d'un paradoxe resté célèbre : le barbier du régiment rase tous ceux qui ne se rasent pas eux-mêmes. Mais alors qui rase le barbier ? S'il se rase lui-même, il ne doit pas se raser et s'il ne se rase pas lui-même, il lui faut se raser. C'est ce qu'on appelle un paradoxe logique.
Pour Russell, la solution à ces phénomènes contradictoires est l'axiomatisation de la logique et le développement de la théorie des types permettant d'instaurer une hiérarchie dans le langage de la théorie des ensembles et de définir le concept de classe afin d'éliminer les paradoxes de la théorie des ensembles.
Russel défend la thèse de l'atomisme logique, thèse qui sera reprise par Wittgenstein. Le monde apparaît comme un complexe logique : les faits sont indépendants les uns des autres et leurs relations leur sont extérieures. Tout ce qui est complexe est composé de choses simples. Chaque fait peut être représenté par une proposition simple ou "atomique" et les propositions complexes ne sont que des combinaisons logiques de propositions simples.
Pour savoir si une proposition est vraie ou fausse, il faut donc l'analyser, la décomposer en atomes logiques. Par exemple, la proposition "tous les hommes sont mortels", apparaît en réalité comme une proposition complexe cachant une implication et constituée de deux propositions atomiques. Elle peut se formuler ainsi : "si un x quelconque est un homme, alors x est mortel", ou encore "Pour tout x, si x est un élément de l'ensemble homme, alors x est mortel". Pour déterminer la valeur de vérité de la proposition "tous les hommes sont mortels", il faut savoir si les propositions atomiques qui la constituent sont toutes vraies. Il suffit d'un seul homme immortel parmi ceux qui ont existé, qui existent ou existeront pour que notre proposition soit fausse. On voit alors que, à moins d'être Dieu, il est impossible d'affirmer la vérité de la proposition "tous les hommes sont mortels".
Russell reprend la conception classique de la vérité. Il la définit comme la correspondance entre une croyance et un fait, les faits en eux-mêmes n'étant ni vrais ni faux. Se pose alors la question de l'induction. Je peux, en effet, être certain d'un fait dont j'ai l'expérience directe, par exemple "j'ai soif", mais comment l'être d'un fait non directement expérimenté, par exemple "tu as soif" ? La question avait déjà été soulevée par Hume et va, ici, recevoir une réponse analogue : il faut hiérarchiser les croyances vraies et admettre que certaines d'entre elles, même s'il n'est pas raisonnable d'en douter, sont moins certaines que celles qui font l'objet d'une connaissance directe et personnelle. Appliqué à la question de l'existence des objets extérieurs, ce raisonnement conduit à dire que ma seule certitude sont les données sensibles qui constituent notre expérience personnelle. Les apparences sensibles sont mon monde privé dans mon espace privé. Le monde est le système de toutes les apparences ou "perspectives". On peut alors penser qu'il existe des objets physiques permanents dans un espace commun, bien que ce ne soit pas une donnée de la perception. Ainsi, de même que Russell a décomposé les propositions complexes en propositions atomiques, il décompose la perception globale du monde extérieur en "données sensorielles" indépendantes qui constitueront chacune un "fait atomique". Il faut faire le tri entre ce qui nous est donné clairement par nos cinq sens et ce qui n'est qu'inféré par le sujet et manque alors de certitude.
Le projet de Russell est de mettre au jour une identité de structure entre les propositions atomiques et les faits atomiques, entre la logique et la réalité sensible. On peut alors résoudre certains problèmes traditionnels de l'empirisme et montrer que certains autres problèmes (par exemple celui de l'existence de Dieu) sont insolubles. La logique n'est plus alors seulement le fondement des mathématiques mais aussi celui de la philosophie: "tout problème philosophique soumis à une analyse et à une clarification indispensables se trouve ou bien n'être pas philosophique du tout, ou bien être logique"
Russell reprend la fameuse maxime du "rasoir d'Ockham" selon laquelle il ne faut pas multiplier les entités non nécessaires. Russell s'inscrit dans le courant nominaliste qui affirme que seuls existent dans l'expérience des êtres singuliers, les universaux (c'est-à-dire les concepts, les catégories générales) ayant un statut seulement logique et linguistique.
Russel refuse aussi de faire de la matière et de l'esprit deux substances indépendantes. Le monde mental et le monde physique sont alors deux expressions différentes d'une même substance neutre.

Les principales œuvres.

  • Principes des mathématiques (1903)
  • En collaboration avec Whitehead, Principia Mathematica (1910-1913)
  • Notre connaissance du monde extérieur (1914)
  • La théorie et la pratique du bolchevisme (1920)
  • L'analyse de l'esprit (1921)
  • Ce que je crois (1925)
  • L'ABC de la relativité (1925)
  • Les principes de la reconstruction sociale (1926)
  • L'analyse de la matière (1927)
  • Les Mœurs et les Principes moraux (1929)
  • Education et Ordre social (1932)
  • Signification et vérité
  • (1940)
  • Une histoire de la philosophie (1945)
  • L'impact de la science sur la société (1952)
  • Histoire de mes idées philosophiques (1959)
  • Crimes de guerre au Viêt-Nam (1967)
  • L'Autobiographie de Bertrand Russell (1967-1969)

Index des auteurs