Mill

Philosophe et économiste anglais, Mill représente plusieurs courants de pensée : la pensée libérale, l'utilitarisme, l'attirance vers le socialisme utopique. Il incarne la synthèse de tout cela, comprenant que la réalité est trop complexe pour être enfermée dans une explication théorique unique. Il se situe à la charnière entre les aspirations du XVIII° siècle pour la liberté, la raison et la science et les courants du XIX° siècle qui tendent vers l'empirisme et le socialisme.

Sommaire

Les sources de sa pensée.

La vie de Mill

Apport conceptuel.

Principales œuvres.

Les sources de sa pensée.

Il emprunte à l'empirisme de Hume, à l'utilitarisme de Bentham, à Saint-Simon, à Comte, à l'associationnisme de son père. L'idée d'une marche irrésistible de l'histoire vers la démocratie et le risque de la tyrannie de la majorité vient de Tocqueville.

La vie de Mill

John Stuart Mill naît à Londres en 1806, aîné d'une famille qui comptera neuf enfants. Son père, économiste et philosophe, est un disciple de Bentham et Ricardo. D'origine écossaise, il est un précurseur de l'utilitarisme. Il est aussi, suivant ainsi Helvétius, persuadé que l'éducation est toute puissante dans la formation de l'individu et va faire de son fils une sorte de  " machine à penser ". Il lui impose une discipline de fer. John Stuart apprend le grec dès l'âge de trois ans, à huit ans il a déjà lu Hérodote, Xénophon, Platon en partie. Il apprend le latin, doit l'enseigner à ses frères. Le jeune John Stuart n'a droit ni aux jouets, ni aux récréations. Tout au plus son père l'emmène-t-il dans ses promenades durant lesquelles… il doit lui résumer ses lectures de la veille et l'écouter parler d'économie et de politique. Le soir, il faut apprendre l'arithmétique. A douze ans, il étudie Aristote, Hobbes. A treize ans, il lit Ricardo.
A l'âge de quatorze ans, il fait un séjour d'un an en France, d'abord à Paris (où il est reçu par J-B Say), puis dans le Midi. Il gardera toute sa vie une tendresse pour ce pays.
A son retour, il se déclare disciple de Bentham et, en 1822, fonde l'Utilitarian Society. Il commence à écrire des articles. En 1823, il entre à la compagnie des Indes (sous les ordres de son père) où il fera toute sa carrière. Il en deviendra le chef contrôleur en 1856 et ne la quittera qu'à sa dissolution, en 1858.
Le surmenage intellectuel vaut à John Stuart Mill une crise morale à l'âge de vingt ans. Il comprend alors la valeur du sentiment, de la poésie et son utilitarisme devient plus large que celui de Bentham. Bref, il s'éloigne de la doctrine de son père. En 1830, il tombe amoureux de Mme Taylor. Sa passion est aveugle, son amour exalté. Il considère qu'elle l'a révélé à lui-même. Il l'épouse en 1851, après la mort de M. Taylor. Lorsqu'elle meurt, en 1858, il la fait enterrer à Avignon et s'installe dans une petite maison, à Saint Véran, d'où il peut voir le cimetière.
Il publie de nombreux articles et livres. En 1865, il est élu à Westminster. Faisant fi des partis, invoquant ses principes, il n'est pas surpris de ne pas être réélu en 1868. Il restera, dès lors, à Saint Véran, avec sa belle fille, Helen Taylor, écrivant, discutant, lisant, faisant de la botanique.
Il meurt le 7 mai 1873. Ses dernières paroles furent les suivantes :  " Vous savez que j'ai accompli ma tâche ". Il fut enterré à Avignon avec sa femme.

Apport conceptuel.

Mill est d'abord considéré comme un utilitariste. Qu'est-ce que l'utilitarisme ? C'est la théorie qui fait de l'utilité le seul critère de la moralité. En d'autres termes, une action est bonne en ce qu'elle contribue au bonheur du plus grand nombre. Mais comment définir ce bonheur ? Mill répond " Par "bonheur", on entend le plaisir et l'absence de douleur ; par "malheur" la douleur et la privation de plaisir. " Comment définir le " bonheur du plus grand nombre " ? C'est ici que les théories de Bentham et de Mill divergent. Bentham considère que le bonheur est lié à la quantité de plaisir. Il en a donc une conception quantitative, arithmétique. Pour Mill, au contraire, ce qui importe est la qualité des plaisirs. Par exemple, les plaisirs de l'esprit sont plus importants que ceux du corps. Mieux vaut, par exemple, être un Socrate malheureux qu'un imbécile satisfait. Un savant ne saurait désirer devenir ignorant, pas plus qu'un être intelligent ne souhaite devenir un imbécile. Une seconde différence intervient entre Bentham et Mill. Bentham considère que le bonheur de l'individu s'identifie avec les intérêts de l'humanité. Au contraire, Mill souligne l'écart, dans l'état actuel de nos sociétés, entre le bonheur privé et le bien public. Il faut bien sûr œuvrer à réduire cet écart mais, en attendant, le sacrifice de l'individu pour le bien commun reste la plus haute des vertus. Ainsi, si Bentham représente l'utilitarisme égoïste, Mill représente l'utilitarisme altruiste. Le bonheur doit être celui de tous. Certes, le sacrifice de l'individu ne saurait avoir valeur en lui-même mais seulement en ce qu'il augmente ou tend à augmenter la somme totale du bonheur.
Mill a pu être dit le " non-conformiste de la liberté ". Il considère que " l'individu n'a pas de compte à rendre à la société pour ses actes tant que ceux-ci ne concernent les intérêts d'aucune autre personne que lui-même " Ainsi la société n'a pas sur ce point à légiférer. La liberté est la protection contre toute contrainte, la plus redoutable de toutes étant celle d'une opinion publique qui veut imposer ses coutumes et ses croyances. La liberté n'est pas la loi du nombre. L'individu doit, en revanche, rendre compte pour les actes préjudiciables aux intérêts d'autrui.
La liberté politique est d'abord participation au pouvoir et Mill est profondément démocrate. Il défend une démocratie représentative où tous les courants sont représentés et non pas seulement la majorité. Il faudrait que les minorités puissent être entendues avec une chance de triompher par la force de leurs arguments s'ils sont conformes à la raison.
L'Etat doit rendre l'éducation obligatoire même si Mill ne s'oppose pas à l'existence d'écoles privées de peur de l'uniformisation des idées.
Il faut coordonner l'intérêt individuel. Ainsi, le commerce doit-il être un acte social dont la fin est de servir l'intérêt général.
L'Etat ne doit pas avoir trop de tâches car ce serait augmenter son pouvoir. Les grandes sociétés sont donc à laisser au privé. Mill se méfie de l'Etat central d'où l'idée que les municipalités doivent assurer les tâches (entretien des routes, des canaux…). L'Etat doit aider les efforts individuels et apporter les secours nécessaires. Mill n'est pas un ultra-libéral : face à la faiblesse du peuple, l'Etat doit agir.
Il faut garantir l'égalité des chances. Ceux qui ont gagné davantage ne doivent pas être sanctionnés (par exemple par une taxe trop importante sur les grandes fortunes), mais, inversement, les enfants doivent fournir des efforts pour leur héritage. En l'absence d'héritier direct, les héritages doivent revenir à l'Etat
L'Etat doit prendre en charge la formation de la santé.
Mill se dévouera pour l'émancipation des femmes. La revendication du droit de vote pour les femmes fut d'ailleurs une des conditions posées pour accepter d'être candidat à Westminster en 1865. Il tiendra à démontrer la nécessité d'accorder aux femmes l'égalité avec les hommes à une époque où, en Angleterre, les maris considéraient leur épouse comme une chose qui devait servir à leur usage. Mill, lui, considère que le droit de vote accordé aux femmes aura pour double avantage de permettre aux femmes de s'intéresser à la politique et de leur faire prendre conscience de leur responsabilité. Mill reconnaît aux socialistes utopiques de l'époque (Saint-Simon, Owen, Fourier) le mérite d'avoir proclamé l'égalité totale des hommes et des femmes.
Mill apparaît donc comme un libéral influencé par des objectifs sociaux.
Outre les questions éthiques et politiques, l'œuvre de Mill aborde les problèmes de la connaissance : il est l'un des derniers empiristes anglais, pensant que le seul fondement de la connaissance est l'expérience.

Les principales œuvres.

  • Système de logique inductive et déductive. (1843)
  • Principes d'économie politique. (1848)
  • De la liberté, écrit conjointement avec sa femme (1858)
  • L'Utilitarisme. (1861)
  • Le gouvernement représentatif. (1861)
  • De l'asservissement des femmes. (1869)

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