Adam Smith

Adam Smith est considéré comme le "père fondateur" de l'économie politique. Fondateur de l'école classique en économie, il est à la fois le père du libéralisme mais aussi celui qui influença la pensée de Hegel et surtout de Marx.

Sommaire

Les sources de sa pensée.

La vie d'Adam Smith

Apport conceptuel.

Principales œuvres.

Les sources de sa pensée.

Adam Smith a étudié les physiocrates (qu'il critiquera). Il appartient aux "Lumières Ecossaises" (Adam Ferguson, Francis Hutcheson). Il a rencontré Voltaire, les encyclopédistes français, Quesnay et Turgot. Il fut surtout lié toute sa vie avec Hume dont il fut l'exécuteur testamentaire.

La vie d'Adam Smith

Cette partie a été rédigée par Xavier Dubois

Adam Smith est né à Kirkcaldy, en Ecosse, baptisé le 5 juin 1723. Son père était contrôleur des douanes, mort six mois avant la naissance de l'enfant. Malgré les soins de sa mère, sa santé est assez fragile. Brillant élève à l'université de Glasgow, où il entre à 14 ans, il se passionne pour les mathématiques où il excelle. Il y suit notamment les cours du philosophe Hutcheson, qui l'imprègne des principes de l'école philosophique écossaise (L'homme est guidé par deux grandes familles de forces instinctuelles : des instincts égoïstes qui développent l'esprit de conquête, des instincts altruistes, sens moral inné, qui favorisent la coopération). Il achève ses études à Oxford, où il entre à l'âge de 17 ans. Il étudie la littérature et la philosophie. Son orientation première était d'entrer dans les ordres, mais la lecture de Hume (dont la découverte d'un livre dans sa chambre lui a failli valoir une exclusion) l'en dissuade.
En 1748, il enseigne la rhétorique et les belles lettres à Edimbourg. Il se lie d'amitié avec Hume, qui est alors réprouvé par les autorités religieuses. En 1751, il obtient la chaire de logique à Glasgow. Anecdote révélatrice, Adam Smith, esprit rationnel opposé au dogmatisme, refuse de donner des cours en latin, ce qu'il considère comme une tradition non fondée sur la Raison. En 1752, il échange sa chaire contre celle de philosophie morale, à où il remplace Hutcheson. Son enseignement a un succès qui retentit jusqu'en Europe : ses élèves viennent parfois de Moscou pour suivre ses cours, Voltaire, notamment, lui en envoie. Smith fréquente les clubs littéraires et politiques de l'époque où il prêche le libre-échange. Il forme, notamment avec Hume, la Société d'Édimbourg « pour encourager les arts, les sciences, l'industrie et l'agriculture en Écosse », en 1754. Il se livre à des travaux philosophiques, comme la Theory of the Moral Sentiments (La Théorie des sentiments moraux), publié en 1759, qui lui vaut une grande admiration et le préceptorat du jeune duc de Buccleuch en 1763, avec qui il entreprend le voyage traditionnel sur le continent. Smith visite ainsi Paris, où il retrouve Hume en 1764, Toulouse, Montpellier, Genève, où il rencontre Voltaire qu'il respecte beaucoup et, de nouveau de passage à Paris, fréquente la société des philosophes et encyclopédistes, dont d'Alembert, D'Holbach , Helvétius, Necker, Turgot, Morellet, Quesnay, avec qui il débat des questions économiques. Durant ce voyage, jusqu'alors maître en philosophie, il est initié à l'économique politique, et les physiocrates l'influencent énormément. Mais le 17 octobre 1766, l'assassinat à Paris du frère cadet de son jeune élève qui les avait rejoints, interrompt brutalement le préceptorat.
Il apparaît que Smith se complaît dans une vie purement intellectuelle, puisque apparemment, le romanesque n'a jamais eu sa place dans la vie de Smith. On dit qu'il fut amoureux d'une anglaise qui l'éconduit, mais sa vie sentimentale se limite à cette anecdote. Distrait et bourré de manies, il témoigne toujours de très peu de goût pour la vie sociale.
Au retour de ses voyages, en 1766, il s'installe à Kirkcaldy et se consacra à son grand ouvrage, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, (Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations) qui paraît le 9 mars 1776. Il déclasse ainsi les auteurs français, jusqu'ici maître du champ économique, et est considéré comme le « père de l'économie politique ». Ce livre influence la politique économique de l'Angleterre de manière majeure. Pitt applique ses principes dans le traité qu'il signe avec la France en 1786, et s'en sert pour l'élaboration de ses budgets. C'est la première fois qu'on applique à l'économie politique les procédés de l'enquête scientifique, ou mieux qu'on tente d'en faire une science spécifique. Après un petit voyage à Londres où il recueille les témoignages de l'admiration de ses amis, Smith est nommé commissaire des douanes en 1777, comme son père. Il semble dès lors assez fatigué. Il subit régulièrement des malaises, et se consacre à son métier administratif. La mort de sa mère (pourtant âgée de 90 ans) l'affecte au point que sa santé décline encore, et qu'il subit une attaque de paralysie en 1786. En 1787, nommé recteur de Glasgow, il n'a pas la force de prononcer son discours d'installation. Il meurt ainsi, traînant ce qu'il lui reste de vie, à Londres, le 17 juillet 1790. Son héritage est curieusement modeste… On découvre alors que le théoricien du libéralisme classique aurait donné toute sa vie la plus grande partie de sa fortune à… des œuvres caritatives.

Apport conceptuel.

1) La sympathie
Dans la Théorie des sentiments moraux, Adam Smith explique que la nature de l'homme se caractérise d'abord par la sympathie qui se définit comme un « principe d'intérêt pour ce qui arrive aux autres », comme la « faculté de partager les passions des autres quelles qu'elles soient ». La sympathie est donc le fait de souffrir des souffrances des autres mais aussi le fait d'être heureux de leur propre bonheur. La condition de possibilité de la sympathie se situe dans  « la faculté que nous avons de nous mettre, par l'imagination, à la place des autres ». La sympathie n'est donc pas une passion mais, tout au contraire, un mouvement actif de substitution dont le ressort est l'imagination. La preuve en est que « quelquefois même, en nous mettant à la place des autres, nous éprouvons pour eux des sentiments dont ils sont incapables pour eux-mêmes ». Adam Smith prend l'exemple du fou : nous éprouvons de la souffrance à le voir en cet état, alors que, lui, rit et chante. Dans la sympathie, nous ne souffrons donc des souffrances des autres qu'autant qu'elles provoquent l'imagination de nos propres souffrances (je souffre à l'idée de devenir moi-même fou). De même nous sympathisons avec les morts parce que nous plaçons « nos âmes toutes vivantes dans leurs corps inanimés » On voit donc que la sympathie n'est pas altruiste. Quand nous nous mettons à la place d'un autre, c'est nous-mêmes que nous y mettons. Du reste « notre inclination à sympathiser avec la joie (…) est plus forte que notre inclination à sympathiser avec la douleur » Adam Smith justifie cette affirmation de deux façons :

  • Un supplément de bonheur ajoute moins que ce qu'un sentiment de malheur nous retire. La situation commune moyenne est une situation de bonheur mais il n'y a pas de symétrie entre plus de bonheur et moins de bonheur. La sympathie pour l'homme heureux est plus facile car l'homme heureux n'est pas très éloigné de l'homme commun. L'adversité abat l'âme plus que la prospérité ne l'élève. Il est donc plus difficile de s'accorder avec la douleur d'autrui que de partager sa joie.
  • La sympathie pour la joie est un sentiment plus proche de la joie que la sympathie pour la douleur ne l'est de la douleur.

Cette propension à sympathiser avec la joie est à l'origine du désir d'améliorer sa condition, de l'ambition. Donc le désir d'améliorer sa condition ne s'enracine pas dans notre nature biologique mais dans notre nature sociale qui nous conduit à rechercher la sympathie de nos semblables. Le désir de sympathie est le fondement de l'ambition et c'est ce qui fait que le désir d'améliorer sa condition est universel et incessant. C'est ce qui fait le lien entre Théorie des sentiments moraux et Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations »

2) La théorie économique
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations est une œuvre de synthèse. Elle ne contient rien de nouveau mais toutes les connaissances économiques du temps sont représentées autour du concept central de richesse nationale en un système général et cohérent. Ajoutons que Smith, connaissant très bien l'histoire économique confronte sans cesse sa pensée et les faits. Il faut aussi rappeler que le texte paraît en 1776, à une époque où l'expansion du travail salarié et de l'échange marchand est entravée par des règlements multiples. On réclame la libre circulation des marchandises et des hommes. Smith théorise les conditions de la régulation par le marché du capitalisme naissant. Il est l'un des premiers à présenter les relations économiques comme un ensemble régi par des lois, ces relations s'auto régulant grâce au marché.
Qu'est-ce que la richesse ? Adam Smith rompt avec la théorie mercantiliste selon laquelle la richesse d'une nation se mesure à la quantité de matériaux précieux qu'elle possède. On peut avoir beaucoup d'or en raison de mines qui approvisionnent le pays sans aucun rapport avec la richesse ou la pauvreté de la population. La richesse se définit par la production annuelle obtenue grâce au travail. L'enrichissement de la nation repose sur l'augmentation de la quantité de travail et l'amélioration de la productivité. Quelles sont les conditions d'amélioration de la productivité du travail ? Smith répond qu'il faut une division du travail, une spécialisation des tâches. Il illustre cette idée par l'exemple resté célèbre de la fabrique d'épingles : dix hommes employés à fabriquer des épingles, à la condition de répartir entre eux les différentes étapes de la fabrication, produisent un nombre incomparablement plus grand d'épingles que si chacun d'entre eux est contraint d'effectuer tous les stades de la fabrication.
Le principe qui donne lieu à la division du travail est l'intérêt réciproque. « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme » La division du travail provient d'une compréhension par chacun de son intérêt propre. Dans la société primitive où domine encore le troc, chacun cherche à échanger ce qui lui a coûté le moins de peine contre ce pour quoi il est le moins doué. La nécessité de réaliser un plus grand nombre d'échanges entraîne l'apparition de la monnaie.
Adam Smith remarque que toute marchandise possède une « valeur d'usage » et une « valeur d'échange ». Par exemple, rien n'est plus utile que l'eau (sa valeur d'usage est maximale), mais on ne peut presque rien obtenir en échange de celle-ci. Le diamant, en revanche, est quasi inutile (valeur d'usage presque nulle) mais on peut obtenir une très grande quantité d'autres biens en échange (grande valeur d'échange). Il s'agit alors de déterminer en quoi consiste le véritable prix de toutes les marchandises.
La valeur d'une marchandise se mesure à la quantité de travail que le propriétaire peut commander en échange de cette marchandise. Adam Smith parle à ce propos de  « travail commandé » qu'il distingue du « travail incorporé », somme de travail nécessaire à la production de la marchandise. La valeur du travail étant invariable, elle est « le seul étalon fondamental et réel avec lequel on peut en tout temps et tout lieu estimer et comparer la valeur de toutes les marchandises ». Ainsi c'est le travail et non la monnaie qui permet de comparer la valeur de toute chose.
Lorsque le capital s'accumule et que certains particuliers emploient des travailleurs contre un salaire, « la valeur ajoutée par les ouvriers aux matériaux se résout en deux parties ; l'une paie leur salaire, l'autre les profits réalisés par leur employeur » Smith énonce donc, avant Marx, l'idée que le profit du capitaliste vient d'une partie non payée du travail.
Le prix des marchandises est le résultat des rétributions dues à ceux qui fournissent les différents moyens permettant de produire les biens en question. Le prix est alors la somme des salaires, du profit et de la rente. Il existe en effet trois facteurs de production :

  • Le travail, rémunéré par le salaire
  • Le capital qui fournit un profit et provient de l'épargne
  • La terre dont le propriétaire perçoit la rente

Le prix de chaque bien est la somme de la rente, des salaires et du profit perçus par les propriétaires fonciers, les ouvriers et les détenteurs du capital. Le revenu de la société toute entière est la somme des salaires, profits et rentes. Smith distingue le prix naturel des marchandises du prix du marché

  • Le prix naturel est la somme des salaires, rentes et profits. « Naturel » signifie ici conforme à la pratique moyenne de tous les travailleurs, propriétaires fonciers, entrepreneurs, dans une société donnée et durant une longue période.
  • Le prix du marché correspond au jeu de l'offre et de la demande. Le prix du marché oscille autour du prix naturel

Smith pense que le salaire du travailleur doit être suffisant pour lui permettre de subsister et d'entretenir sa famille car sinon les ouvriers disparaîtraient au-delà de la première génération. Smith pense que les ouvriers resteront soumis aux patrons mais pense quand même que le gain de productivité doit permettre une augmentation des salaires, améliorant les conditions de vie du travailleur. Pourtant, la concurrence des employeurs tend à faire baisser le taux de profit.
Smith analyse le capital et distingue le travail productif, créateur de valeur qui permet, par exemple, de reproduire le fond du capital (agriculture, manufacture), du travail improductif (travail domestique, artistes) qui ne crée pas de valeur et qui ne sert qu'à former un revenu.
Si dans les sociétés primitives l'accumulation de capital est inutile, elle est la condition pour augmenter la capacité productive des nations les plus développées. L'épargne est la clef de l'accumulation. La monnaie n'est qu'un moyen de circulation sans impact sur le fonctionnement de l'économie et les banques n'ont pas à financer l'accumulation.
Smith distingue trois parties dans le capital :

  • Le premier est réservé à la consommation immédiate et ne rapporte aucun profit (stock)
  • Le capital fixe rapporte un revenu sans circuler : outils de travail, bâtiments, terres mais aussi savoir-faire et talents
  • Le capital circulant comprend la monnaie, les réserves de vivre et de matériaux utiles à la fabrication ainsi que les marchandises non encore vendues par leur propriétaire.

La monnaie est neutre. Il ne faut pas confondre la monnaie en circulation dans une nation avec le revenu de cette nation. La monnaie ne sert qu'à distribuer le revenu à chacun. Mais le revenu ne consiste pas en quantité de monnaie mais en ce que l'on peut se procurer grâce à cette quantité de monnaie. Ainsi la richesse d'une nation ne provient pas d'une augmentation du capital dont elle dispose mais d'une utilisation de ce capital à des opérations visant à augmenter l'activité productive.
Si chaque individu, chaque entreprise ne cherche que son profit, le profit personnel s'accorde néanmoins avec les buts de l'industrie nationale. En cherchant à accroître son revenu personnel, chacun contribue à accroître le revenu de la nation. Chacun est « conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions », ce qui n'est pas un mal car on travaille de façon plus efficace quand on croit poursuivre son propre profit que s'il s'agissait du bien général. La somme des intérêts particuliers produit l'intérêt de tous.
Enfin, Adam Smith explicite le rôle de l'Etat, ses droits et ses devoirs. Au-delà des actions régaliennes traditionnelles et des dépenses d'intérêt général (l'instruction), l'Etat doit aussi intervenir à travers la fiscalité pour engendrer des incitations, une répartition des richesses. Si la libre entreprise fait avancer la société, ce système de liberté ne produit ses effets bénéfiques que s'il est encadré par l'Etat, garant de l'intérêt de la société face à l'égoïsme des individus. Smith prône la fixation légale du taux d'intérêt, la réglementation du commerce des banques. Les impôts doivent respecter quatre règles : dépendre des capacités des contribuables (pourcentage du revenu de chacun), éviter l'arbitraire, être perçu au moment le plus commode pour ceux qui le payent et occasionné des frais de gestion les plus faibles possibles.
Ceci étant dit Adam Smith se situe du côté de l'Etat gendarme et non de l'Etat providence car « Tout homme, tant qu'il n'enfreint pas les lois de la justice, demeure en pleine liberté de suivre la route que lui montre son intérêt et de porter où il lui plaît son industrie et son capital, concurremment avec ceux de tout autre homme ou de toute autre classe d'hommes. ». Par conséquent « L'homme d'État qui tenterait d'ordonner aux particuliers la manière d'employer leurs capitaux non seulement se chargerait d'un soin très superflu, mais encore assumerait une autorité qui ne pourrait être confiée avec sûreté à aucun conseil ni sénat, et qui ne serait nulle part si dangereuse qu'entre les mains d'un homme assez fou et assez présomptueux pour se croire capable de l'exercer » C'est en cela que Smith est bien à la source du libéralisme économique

Les principales œuvres.

  • Théorie des sentiments moraux, 1759
  • Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776


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