Machiavel

Machiavel n'est pas un philosophe de système. Ce qui l'intéresse n'est pas de fournir une métaphysique mais de penser la politique. Parce que son nom a donné l'adjectif machiavélique on l'a imaginé proche des tyrans alors qu'il fut profondément républicain. Il s'efforce surtout de penser scientifiquement c'est à dire rationnellement la politique à une époque troublée par les guerres générées par la division de l'Italie.

Sommaire

Les sources de sa pensée.

La vie de Machiavel.

Apport conceptuel.

Principales œuvres.

Les sources de sa pensée

Dans Le Prince Machiavel se réfère directement à deux œuvres philosophiques de la tradition classique : La politique d'Aristote et le Traité des devoirs de Cicéron. Mais, de son propre aveu, sa passion fut la lecture des historiens romains, en particulier Tite Live. Enfin, l'une des sources d'inspiration de Machiavel sont Les Miroirs des Princes. Ce genre littéraire qui consiste à donner des conseils aux souverains fleurit au Moyen-Age où il correspond à la nécessité d'éviter la tyrannie en conseillant aux princes de se conduire vertueusement. Mais Machiavel parodie le genre.

La vie de Machiavel

Machiavel naît en 1469. Il était d'origine petite bourgeoise, c'est-à-dire qu'il n'appartenait pas au "peuple gras" des Arts majeurs (textile, banque, juristes) Florence n'est alors une République que de nom sous le principat déguisé des Médicis. A 25 ans, il assiste à l'entrée de Charles VIII à Florence (1494) et voit l'exil des Médicis. Machiavel est contemporain de Savonarole, ce "prophète désarmé" prêchant une démocratie de type théocratique, qui tint la scène florentine de 1490 jusqu'à son exécution en 1498 (il tenta d'établir à Florence une Constitution à la fois théocratique et démocratique et fut brûlé comme hérétique).
Machiavel concourt en 1498 pour le poste de secrétaire à la chancellerie qu'il occupera jusqu'en 1512. Son efficacité est reconnue ; il accomplit plusieurs missions notamment en 1501 et 1502 auprès de César Borgia, dont on pouvait redouter les visées sur la Toscane, en France, à Rome et auprès de l'empereur Maximilien.
En 1502, est instauré à Florence un gouvernement populaire dirigé par un gonfalonier (sorte de président de la République à vie) : Soderini. Machiavel arrive à imposer ses idées militaires et il est chargé d'organiser une milice populaire. Il s'y consacre pendant plusieurs années.
1509 marque, avec la soumission de Pise, l'apogée du pouvoir de Soderini.
La carrière de Machiavel s'écroule, avec la république, en 1512, avec la défaite du Prato : les Espagnols mettent la milice en déroute et dévastent la ville pendant trois semaines faisant 4 000 victimes (le tiers de la population). Machiavel est torturé puis exilé. Les Médicis reviennent au pouvoir. C'est à partir de 1512 que, en exil, Machiavel entreprend la rédaction du Prince qui, achevé dès 1513, ne sera publié qu'après la mort de son auteur. Puis il compose un important commentaire de l'histoire romaine, le Discours sur la première décade de Tite Live. Machiavel rompt peu à peu son isolement et se remet à participer à la vie florentine. De 1515 à 1519, il fréquente les réunions qui se tiennent dans les jardins du palais Rucellai, présidées par Cosme. C'est dans ce climat qu'il termine le Discours et rédige L'art de la guerre. En novembre 1520, sur la demande du cardinal Jules de Médicis, l'Académie de Florence lui confie la charge d'écrire l'histoire de la cité. En 1527, Machiavel subit une nouvelle fois la disgrâce lorsque la République est proclamée, à cause cette fois de ses compromis avec les Médicis.
Il n'y survivra pas et mourra l'année même, le 22 juin, d'un abus de pilules de camphre.

Apport conceptuel

Parce qu'il conseille aux princes la ruse, parce qu'il leur dit de ne pas tenir leurs promesses, on a fait de Machiavel un immoraliste. C'est plutôt d'amoralisme qu'il faudrait parler. Machiavel ne se préoccupe nullement de morale. Il ne cherche pas à nous expliquer à la manière de la philosophie classique ce que doit être la cité juste mais il veut analyser la chose politique avec un jugement de type scientifique à l'exclusion de toute considération morale. En ce sens Machiavel est le fondateur de la science politique moderne.
Comme le montre le Discours, le but de Machiavel est bien que les hommes vivent dans la liberté et la raison mais les conditions historiques (celle d'une Italie divisée et déchirée par les guerres) sont telles qu'il est impossible d'effectuer une politique républicaine. Il faut d'abord créer les conditions pour la rendre possible. L'objet du Prince est donc de créer, de fonder un Etat et ce n'est pas un hasard si Machiavel y étudie essentiellement les principautés nouvelles. Or, fonder un Etat est une chose difficile et implique d'être réaliste. Il faut se placer sur le terrain réel. Or la réalité, c'est la violence, la méchanceté des hommes, non que les hommes soient naturellement méchants mais la politique est un terrain de déraison : les hommes y démissionnent par faiblesse et par lâcheté. L'histoire est le règne du hasard.
Pour fonder l'Etat, il faut donc s'imaginer les hommes méchants. Il faudra faire agir les passions mauvaises contre elles-mêmes pour faire naître la société politique. C'est un homme, le prince, qui va tenter de faire de l'agrégat d'hommes violents et ignorants un Etat. Il emploiera pour cela des moyens empiriques. Il sera technicien car la politique n'est pas un savoir mais un art (au sens ancien du terme). Elle suppose de savoir décider et agir au bon moment.
La fortune est un ensemble de circonstances complexes et mobiles devant lesquelles l'homme est impuissant s'il n'utilise au bon moment le bon moyen. La fortune est donc aussi l'occasion propice à l'initiative audacieuse. Il faut au prince la virtù qui désigne l'énergie dans la conception et la rapidité dans l'exécution. C'est l'art de choisir les moyens en fonction de la fortune et de dominer ainsi les circonstances. Par elle, le prince va former cette matière qu'est le peuple, en faire un corps politique. Il ne pourra d'ailleurs le faire sans être reconnu par son peuple ce qui lui évite d'être un tyran.
Ensuite, mais ensuite seulement, les hommes pourront constituer une république (c'est l'objet du Discours). Le prince est donc immoral pour rendre un jour la morale possible. Cela n'est possible que s'il garde assez longtemps le pouvoir et c'est pourquoi Le Prince donne les recettes pour conserver ce pouvoir.
Le Discours a pour thème l'Etat vertueux. Machiavel y prend pour référence la République romaine. Il examine les luttes entre partis et groupes sociaux, opposant la stabilité romaine à celle fermée et aristocratique de Spartes ou de Venise. Il insiste sur l'idée que la liberté est précaire lorsque le peuple est corrompu et la nécessité de recourir alors à une "force extrême" qui régénère la multitude.

Les principales œuvres

Les principales œuvres politiques sont :

  • Le Prince;
  • Discours sur la première décade de Tite Live;
  • L'Art de la guerre
  • Histoires florentines.

Machiavel est aussi l'auteur de deux pièces de théâtre :
La Mandragore et La Clizia


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