Cicéron

Cicéron fut ce que les Romains appelaient un homme nouveau qui sut monter jusqu'aux plus hautes fonctions de l'État sans clientèle ni argent. Homme de goût et d'étude détestant la démagogie, il fut un politique lucide, habile cherchant à mettre son action en accord avec ses principes.

Sommaire

Les sources de sa pensée.

La vie de Cicéron

Apport conceptuel.

Principales œuvres.

Les sources de sa pensée.

Il est influencé par les penseurs de l'Académie, en particulier Charmadas, élève de Carnéade (sceptique). Il connaît l'œuvre de Platon, d'Aristote ainsi que celle des Stoïciens.

La vie de Cicéron

Marcus Tullius Cicero naît en 106 av. J. C. à Arpinum (aujourd'hui Arpino) à une centaine de kilomètres à l'est de Rome. Sa famille appartient à l'ordre équestre et compte des magistrats municipaux et des officiers supérieurs de l'armée. Le milieu est aisé, cultivé et ouvert à la politique. Cicéron apparaît rapidement comme un élève brillant. Comme tous les patriciens romains, il étudie d'abord la poésie, la rhétorique et le droit mais s'intéresse aussi, ce qui est plus rare, à la philosophie. Il étudie d'abord à Rome.
En 89, il est attaché à l'état major de Cneius Pompeius Strabo (père du grand Pompée) puis s'éloigne pour terminer ses études en Grèce et à Rhodes.
Revenu à Rome, il s'oriente vers la profession d'avocat et débute, en 81, par un plaidoyer contre un des favoris de Sylla. Il obtient, certes, gain de cause, mais la prudence l'oblige à s'éloigner quelques temps. Il veut, du reste, approfondir sa culture philosophique et oratoire et c'est pourquoi il se rend d'abord en Grèce puis en Asie mineure. Il revient à Rome après la mort de Sylla et se marie avec Terentia. Il se lance alors dans la carrière politique c'est-à-dire la carrière des honneurs qui consiste à exercer dans l'ordre rituel les différentes magistratures qui mènent jusqu'au rang le plus haut.
Cicéron est élu questeur en 76 et exerce cette magistrature en Sicile à Lilybée. De retour à Rome, il fortifie sa position par de nombreux plaidoyers. En 71, Crassus et Pompée se mettent d'accord pour soutenir le parti démocratique qui combat le monopole sénatorial sur les tribunaux politiques. Le procès du propréteur Verrès offre l'occasion de discréditer la justice sénatoriale. Cicéron prend la défense des Siciliens contre Verrès, s'attirant ainsi la reconnaissance du parti populaire. Ce sont les Verrines (70 av. J. C.)
Cicéron est élu édile pour l'année 69 et devient préteur en 66. Il prononce le Pro lege Manilia (Pour la loi Manilia) qui propose de confier à Pompée le commandement suprême en Orient contre Mithridate. En 64, Catilina réunit dans une conjuration tous les mécontents et veut s'emparer du gouvernement par l'émeute et la force. Cicéron apparaît comme le seul homme capable de sauver la légalité : il est élu consul pour l'année 63 mais se heurte aux projets de Catilina et aux manœuvres de César. Il combat pour éviter la guerre civile et devient le sauveur de Rome, déjouant la conjuration et faisant exécuter plusieurs des complices de Catilina. Il est alors un rival possible pour Pompée. De cette période datent les quatre Catilinaires et le Pro Murena.
À partir de 61, Cicéron est attaqué par les démocrates, par les aristocrates conservateurs avec Caton et aussi par Pompée revenu triomphant d'Orient. En 60 se forme le premier triumvirat (entente pour partager le pouvoir entre Pompée, César et Crassus) et Cicéron est peu à peu isolé. Clodius, devenu tribun du peuple en 58, reproche à Cicéron d'avoir fait condamner illégalement les complices de Catilina. Cicéron est exilé en Thessalie ; sa maison est détruite. Mais les excès de Clodius inquiètent les triumvirs et, devant l'indignation de l'Italie, Cicéron est rappelé et rentre triomphalement à Rome en septembre 57. Il se rapproche des triumvirs et se résigne à une semi retraite consacrant ses loisirs à des œuvres de philosophie politique : De Oratore (55), De Republica et De legibus (54-51)
En 52, Milon est accusé de meurtre. Cicéron le défend (Pro Milone). En 52, il est proconsul en Cilicie où il mène une campagne victorieuse contre les Parthes.
À son retour à Rome, la guerre civile est menaçante. Après la rupture entre César et Pompée, Cicéron est d'abord indécis mais il décide finalement de suivre la légitimité et choisit Pompée, sans enthousiasme. Après Pharsale (où César est vainqueur contre Pompée), il regagne Brindes attendant que César veuille bien autoriser son retour. Revenu à Rome, il prononce quelques plaidoyers pour ses amis (Pro Marcello, Pro Ligurio) mais ne joue plus aucun rôle politique. Il divorce, a la douleur de perdre sa fille et consacre de nouveaux ses loisirs à des travaux littéraires et philosophiques : L'orateur (46), De finibus bonorum et malorum (45), les Tusculanes, De la vieillesse, De l'amitié et Des devoirs (44).
Aux Ides de mars 44, César est assassiné. Cicéron croit alors que la République va renaître. Mais Antoine impose rapidement sa volonté à Rome. Cicéron attaque Antoine avec violence en s'appuyant sur Octave (Philippiques). La formation du second triumvirat entre Antoine, Octave et Lépide (octobre 43) met fin à ses illusions. Cicéron est proscrit. Cerné par les soldats d'Antoine, il meurt courageusement à Gaète le 7 décembre 43.

Apport conceptuel.

Nous ne nous attarderons pas sur l'apport de Cicéron en ce qui concerne la rhétorique.
Quel est d'abord l'apport au plan politique ?
Pour Cicéron, l'homme d'État est un éducateur qui doit donc lui-même recevoir une formation universelle. Il faut éduquer tout homme pour obtenir un personnage politique. Ceci fait de Cicéron le créateur de la notion d'humanisme, au sens où l'on parlait autrefois de "faire ses humanités", au sens de l'importance accordé à la culture de l'esprit. Le premier problème que se pose en effet Cicéron est celui de la culture et l'idéal est celui d'un savoir à la fois universel et approfondi.
Premier homme d'État à tenter de concilier les exigences de la pratique politique et les résultats de la spéculation philosophique, Cicéron ne perd jamais de vue ni son expérience concrète d'homme d'État, ni son devoir d'appliquer au cas particulier de Rome les principes qu'il déduit de sa philosophie. Politique et philosophie sont deux activités complémentaires.
Il souhaite, sous le nom de consensus universorum, le rassemblement de tous ceux qui, quelle que soit leur origine sociale, s'accordent sur certains principes modérés. L'homme politique ne doit désirer qu'une chose : le repos (otium) c'est-à-dire l'absence de guerres et de lutte, le refus du pouvoir excessif dans le respect des droits de tous.
Le meilleur modèle de constitution est la constitution mixte offrant à la fois des traits monarchiques, aristocratiques et démocratiques, à condition que tous les éléments de la Cité collaborent harmonieusement. Cicéron rêve d'une République où quelques hommes d'élite sauront collaborer en intervenant en cas de crise grâce à leur vertu et leur autorité. Il faut donc une République, certes aristocratique, mais ouverte aux talents, fondée sur le respect du droit, de la raison et de la justice, gouvernée par des philosophes éloquents.
Au plan proprement philosophique, Cicéron doit choisir entre les deux principaux maîtres de sa jeunesse, Antiochus d'Ascalon et Philon de Larissa.

  • Antiochus pense en stoïcien qu'il existe un critère de certitude permettant la connaissance et, avec Aristote, il laisse une place aux biens du corps et aux biens extérieurs dans sa conception du bonheur. Si les biens de l'âme permettent la vita beata (vie heureuse), la vita beatissima (la vie la plus heureuse) nécessite aussi les autres biens.
  • Philon, fidèle au sceptique Carnéade, critique la théorie du critère : nos connaissances sont seulement probables. Le vrai existe mais nous ne le percevons que de manière inadéquate. Il rejette la théorie de la vita beatissima, affirmant que le bonheur réside dans la seule vertu.

Cicéron préfère Philon pour la conception du bonheur. La vertu suffit au bonheur. Il y a pour lui, une vérité, dans le monde des idées, perçue sans critère sous forme d'opinion et non de certitude. Il n'y a aucune certitude sur l'existence réelle du divin. Cela n'empêche pas d'en concevoir la vraisemblance, la probabilité mais cela suffit pour nier la divination ou la croyance en un destin prévisible (qui suppose une connaissance certaine de l'avenir).
En ce qui concerne la morale pratique, Cicéron pense qu'il n'y a d'utile que l'honnête.
L'esprit des lois est la raison divine et la loi suprême est l'amour universel du genre humain.
Ajoutons que l'œuvre de Cicéron nous apporte un témoignage primordial sur la philosophie grecque : il vulgarise les œuvres grecques d'accès difficile et nous permet de connaître le contenu de textes grecs aujourd'hui disparus.
L'œuvre de Cicéron a influencé Saint Augustin, Voltaire, Érasme et Rousseau.

Les principales œuvres.

  • Verrines (70)
  • Catilinaires (63)
  • Pro Murena (63)
  • De Oratore (55)
  • De la République (54)
  • Des lois (51)
  • L'orateur (46)
  • Brutus (46)
  • De finibus bonorum et malorum (45)
  • Tusculanes (44)
  • De la vieillesse (44)
  • De l'amitié (44)
  • Des devoirs (44)
  • Philippiques (44-43)

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