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Des philosophes du passé, il est indiscutablement l'un des moins connu, ce qui constitue une réelle injustice envers un penseur qui ne manque ni d'intérêt, ni de profondeur. Mathématicien, philosophe de l'histoire, il proposa une théorie originale du hasard. |
Sommaire
Les sources de sa pensée.
La vie de Cournot
Apport conceptuel.
Principales uvres.
Les sources de sa pensée.
Mathématicien il connaît bien les théories scientifiques (étude des probabilités, etc.) et les théories économiques. Il est aussi l'héritier du rationalisme, en particulier celui de Leibniz.
La vie de Cournot
Antoine-Augustin Cournot est né à Gray en 1801. Il fait des études supérieures de mathématiques et enseigne les mathématiques aux Universités de Lyon (1834-1835) et de Grenoble (1835-1838). Inspecteur général, il devient ensuite recteur de l'Académie de Dijon (1848-1862).
Son uvre débute par un essai d'économie mathématique : Les Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des Richesses (1838) qui formalisent, grâce aux fonctions arbitraires de l'analyse, les lois de l'échange et des prix.
Devant son insuccès il se tourne vers d'autres études : Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique (1851), les Considérations sur la marche des Idées et des évènements dans les temps modernes (1872), Matérialisme, vitalisme, rationalisme (1875).
Il fut, comme philosophe, presque inconnu de ses contemporains. Comme pionnier de l'économie politique, il est reconnu à l'étranger (l'économiste Walras sera le premier à reconnaître son mérite).
Il meurt à Paris en 1877.
Apport conceptuel.
Sa profession de professeur de mathématiques le conduit d'abord à s'intéresser aux principes mathématiques de l'économie. Il ne veut pas confondre science et philosophie mais pense que les deux sont complémentaires. Il se démarque en cela du scientisme de son époque en pensant que sans la science la philosophie s'égare dans l'imaginaire mais que sans la philosophie la science s'égare dans une rigueur stérile.
Cournot développe une théorie intéressante du hasard. Le hasard est la rencontre de séries causales indépendantes. Imaginons qu'une tuile tombe d'un toit. Il est clair que cet événement est déterminé par des causes (un coup de vent, la vétusté du toit etc.). Je passe dans la rue. Il y a, là aussi, des causes à mon action. La tuile me tombe sur la tête. On parlera alors de hasard. Ce n'est pas que l'événement soit sans cause mais il est clair que ce n'est pas parce que je passe là que la tuile est tombée. Deux séries causales, celle qui préside à la chute de la tuile, celle qui fait que je passe dans la rue, ont simplement interféré.
Il existe donc bien des faits fortuits, aléatoires mais ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui interviennent au hasard mais leurs rencontres. Le hasard n'est nullement dû à notre ignorance mais est affaire de rencontres scientifiquement déterminables.
Ceci s'applique à l'histoire. Cournot pense que l'histoire est l'effet d'un processus toujours différent et toujours complexe. Les causes des évènements (économiques, politiques, morales, religieuses etc.) varient selon les époques selon un processus variable. Cournot s'oppose à la fois à une conception de l'histoire qui ne retiendrait que le fortuit et le contingent et à une histoire qui refuserait de reconnaître la part du hasard dans le cours des évènements.
Il opère une distinction capitale entre cause et raison. Cette distinction s'applique aussi bien à l'explication des phénomènes physiques et vitaux qu'à l'intelligence de l'histoire.
La raison est ce qui rend compte de l'effet alors que la cause est seulement ce qui produit l'effet. Par exemple, si je veux chercher les causes, je dirai que certains animaux ont des dents par un accident de la nature, une mutation chromosomique. Cela ne m'apprend pas grand chose. En revanche, en remarquant que si certains animaux ont des dents c'est qu'ils vivent de proies (je dégage alors la raison des dents) et que donc tous leurs organes doivent être appropriés à ce genre de vie, je comprends beaucoup mieux l'existence des dents.
De même, en histoire, il faut renoncer à expliquer les évènements par des causes au profit d'une compréhension des raisons. La recherche des causes nous ramène à la petite histoire, l'histoire anecdotique qui s'attache surtout à montrer la disproportion entre la petitesse des causes et la grandeur des effets, par exemple l'influence d'un grain de sable dans l'uretère de Cromwell sur la suite des évènements. " L'histoire philosophique, la grande histoire, s'arrête peu à ces causes microscopiques. Elle cherche une raison suffisante des grands évènements c'est à dire une raison dont l'importance se mesure à l'importance des évènements" . Ainsi, elle cherchera la raison d'une révolution non dans quelques intrigues de cabinet mais dans la caducité des vieilles institutions, dans les changements des murs ou des croyances ou, inversement, dans le besoin de sortir du désordre. La cause donne seulement le comment, la raison veut savoir le pourquoi.
L'histoire est le règne du hasard et de la nécessité. Il n'y a donc pas de clef universelle pour rendre compte rationnellement de tout le cours de l'histoire à la manière de Hegel.
Les principales uvres.
- Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses (1838)
- Traité élémentaire de la théorie des fonctions et du calcul infinitésimal (1841)
- Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique (1851)
- Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes (1872)
- Matérialisme, vitalisme, rationalisme (1875)
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