Repères ou distinctions conceptuelles



Le nouveau programme qui a pris effet à la rentrée 2003 ajoute aux notions une série de "repères" ou distinctions conceptuelles. Bien qu'il ne soit pas question de faire porter des cours sur ces concepts de base (ce qui alourdirait inutilement le programme) leur connaissance est requise à l'examen. On trouvera ci-dessous un document de synthèse sur ces repères. Un grand nombre de ces termes se situaient déjà dans le dictionnaire qui se trouve ainsi complété.

Absolu / Relatif
Abstrait / Concret
Analyse / Synthèse
Cause / Fin
Contingent / Nécessaire/ Possible
Croire / Savoir
Essentiel / Accidentel
Expliquer / Comprendre
En fait / En droit
Formel / Matériel
Genre / Espèce / Individu
Idéal / Réel

Identité / Egalité / Différence
Intuitif / Discursif
Légal / Légitime
Médiat / Immédiat
Objectif / Subjectif
Obligation / Contrainte
Origine / Fondement
Persuader / Convaincre
Ressemblance / Analogie
En théorie / En pratique
Transcendant / Immanent
Universel / Général / Particulier / Singulier

Absolu / Relatif

Absolu: ce qui ne dépend que de soi-même pour exister, ce qui dans la pensée comme dans la réalité ne dépend d'aucune autre chose et porte en soi-même sa raison d'être.
Relatif : ce qui dépend d'un autre terme en l'absence duquel ce dont il s'agit serait inintelligible, impossible ou incorrect.
Exemples : Dieu est absolu (il est sa propre raison d'être). Un pouvoir peut être absolu s'il ne dépend de rien au sens où il est sans partage et sans contrepoids.
La créature est relative au créateur (sans lui, elle n'existerait pas)

Abstrait / Concret

Abstrait : l'abstraction est une opération de l'esprit qui consiste à séparer ce que nos sens présentent comme non séparés.
Concret : l'objet concret est l'objet global, le tout. Une idée peut être concrète si elle considère une réalité dans sa globalité.
Exemples : rouge est une abstraction car une couleur ne se présente jamais seule à ma vue. Je vois une pomme rouge, une tomate rouge mais jamais du rouge seul.

Analyse / Synthèse

Analyse : opération de l'esprit qui consiste à décomposer un phénomène ou un concept en ses parties en montrant comment elles s'enchaînent. Analyser, c'est expliquer.
Synthèse : organisation dans un nouvel ensemble d'éléments jusque là séparés ou associés différemment. La synthèse permet de comprendre.
Exemples : quand je lui fais faire une analyse de sang, le biologiste décompose mon sang en ses différents constituants : plasma, globules rouges, globules blancs etc.
Expliquer un phénomène, c'est en chercher les causes. Par exemple Durkheim explique le suicide en cherchant les faits sociaux qui conduisent à une conduite de suicide.
Comprendre suppose au contraire une saisie globale des phénomènes, par exemple en saisissant le sens du suicide en tant qu'il est parcouru par une intention.

Cause / Fin

Cause : la notion de cause est liée à celle d'effet. La cause est ce qui entraîne de façon nécessaire un effet. Par exemple, l'attraction terrestre est cause du fait que chaque fois qu'un corps est lâché il tombe vers le sol. L'attraction est la cause et la chute est l'effet.
Fin : but. Chercher la fin, c'est se poser la question du pourquoi. Par exemple, « pourquoi punit-on ? » signifie « quelle est la fin, quel est le but poursuivi lorsqu'on punit, quelle est la raison pour laquelle on punit ? » On pourra répondre que c'est pour faire un exemple ou pour rétablir le droit. On aura alors dégagé la fin de la punition.
Néanmoins, la théorie des quatre causes d'Aristote rend la distinction cause / fin plus complexe. Pour Aristote en effet est cause tout ce qui est mis en jeu dans la production d'un effet. Par exemple, la production d'une statue met en jeu quatre causes :

La fin est donc une des quatre causes aristotéliciennes. Elle est néanmoins privilégiée car il y a chez Aristote un primat des causes finales. Celui qui connaît l'utilisation d'un objet le connaît mieux que celui qui le fabrique. Porter des chaussures conduit à mieux connaître la chaussure que le cordonnier.

Contingent / Nécessaire / Possible

Contingent : ce qui pourrait ne pas être.
Nécessaire : ce qui ne peut pas ne pas être.
Possible : ce qui peut être c'est-à-dire qui n'est ni nécessaire ni impossible. Le réel est un cas particulier du possible.
L'impossible est ce qui ne peut être, soit parce qu'il est irréalisable, soit parce qu'il est contradictoire avec les lois de la nature.
Exemples : il est possible que j'aille au cinéma demain (ce n'est pas contradictoire) mais il est contingent que j'y aille effectivement puisque je peux librement décider de ne pas y aller. Tel est le cas tout au moins si existe le libre arbitre car s'il n'existe pas alors je peux penser que le fait d'aller au cinéma est une conséquence nécessaire de l'état actuel du monde et de ce que je suis.

Croire / Savoir

Croire c'est être persuadé de la vérité d'une proposition sans preuve, sans démonstration. La foi (croyance en une proposition qui n'est ni évidente ni démontrable) est un cas particulier de croyance. On peut en effet croire en une proposition dont certes on ignore la démonstration mais qui, néanmoins, est démontrable.
Savoir c'est affirmer avec la certitude de celui qui peut avancer des preuves. Savoir, c'est être capable de rendre raison de ce qu'on affirme.

Essentiel / Accidentel

Essentiel : ce qui relève de l'essence c'est-à-dire de la définition. Appartient à l'essence d'une chose ce qui ne peut être ôté d'une chose sans faire disparaître en même temps la chose.
Accidentel : on appelle accidentelle toute qualité fortuite d'un objet qu'on pourrait lui retirer sans le modifier fondamentalement.
Exemple : il fait partie de l'essence de l'homme d'être bipède ou d'être doué de raison. En revanche avoir les yeux bleus est un accident.

Expliquer / Comprendre

Cf. Analyse / Synthèse

En fait / En droit

Le fait est ce qui est.
Le droit est ce qui est légitime, ce qui devrait être.
Exemples : le viol est un fait mais non un droit.
Vérité de fait : vérité qui dépend d'un événement. Par exemple, Balzac est mort en 1850.
Vérité de droit : vérité qui ne dépend pas des évènements. Exemple : 2 + 2 = 4

Formel / Matériel

En logique on distingue la vérité formelle de la vérité matérielle.
Vérité formelle : la logique formelle étudie les relations entre les propositions indépendamment du contenu (ou de la matière) de ces propositions. Si un raisonnement est cohérent, sans contradiction, il sera vrai formellement.
Mais pour qu'il soit vrai matériellement il faudra en plus que son contenu corresponde, soit adéquat à une réalité.
Chez Aristote, la matière est ce en quoi les choses sont faites (par exemple, la statue est faite en marbre ; le marbre est donc matière de la statue) mais pour que les choses soient effectivement il faut que la matière reçoive une forme (ici la configuration extérieure de la statue).

Genre / Espèce / Individu

Genre : catégorie de réalités ou d'idées que leurs caractéristiques communes essentielles autorisent à regrouper sous la même dénomination générale. En biologie, ensemble d'individus de la même famille biologique que l'on peut subdiviser en autant d'espèces qu'il y a de sous-groupes distincts. Un genre est donc une catégorie générale, une classe. Espèce : en biologie, ensemble d'individus possédant des caractères propres transmissibles héréditairement. Des individus d'espèces différentes ne peuvent, en principe, procéder à des croisements du moins durables.
Individu : membres de l'espèce, tous différents, mais dont les différences restent accidentelles alors que ce qu'ils ont essentiellement en commun les font membres de la même espèce.
Exemples : on parle de genre animal, d'espèce humaine. Pierre Dupond, lui, est un individu.

Idéal / Réel

Idéal : ce qui n'existe qu'à titre d'idée, que dans et par la pensée.
Réel : ce qui est par opposition à l'apparence.
Mais exister à titre d'idée est, d'une certaine façon, être. Il est d'autres façons d'être que matériellement.
Exemple : un nombre est une idéalité puisque, hors de l'idée, dans l'expérience, on ne rencontre pas les nombres.
Dans un sens plus proche du langage courant que du langage philosophique on pourra aussi dire que le réel c'est ce qui est et l'idéal ce qui doit être, la perfection inaccessible.

Identité / Égalité / Différence

Si le contraire de l'identité est la différence, le contraire de l'égalité est l'inégalité. On voit donc qu'égalité et identité ne sont en aucun cas synonymes. L'identité suppose d'être indiscernable, de n'être différent en rien. Dès qu'un objet possède une caractéristique quelconque qui le distingue d'un autre, nous dirons alors de ces deux objets qu'ils sont non identiques, qu'ils sont différents. Mais la différence n'implique nullement l'inégalité. Tout dépend de quelle différence il s'agit. L'inégalité est en effet une différence quantitative. Égalité et inégalité sont des mots issus du langage mathématique, domaine par excellence de la quantification.
Exemples : dire que tous les hommes sont égaux en droit, c'est dire qu'il y a entre eux une égalité arithmétique, au sens où ils ont tous rigoureusement les mêmes droits et les mêmes devoirs. Mais cela ne signifie nullement que nous sommes tous identiques. Les hommes sont différents par la force, le talent, l'état (femme, homme, enfant) etc. la différence incontestable par exemple ente l'homme et la femme ne doit pas conduire à une inégalité des droits.

Intuitif / Discursif

Intuitif : l'intuition est un mode de connaissance immédiate. Est donc intuitif ce qui se donne directement à la conscience. On parlera d'intuition sensible (connaissance immédiate de ce qui s'offre à nos sens) ou d'intuition intellectuelle ou rationnelle (connaissance immédiate des objets de la raison). Le cogito cartésien, par exemple, relève de l'intuition rationnelle. Il n'est nullement l'aboutissement d'une démonstration mais se révèle au contraire comme une évidence indubitable.
Discursif : qui relève du discours c'est-à-dire de la parole rationnelle et cohérente. Le processus discursif requiert la médiation d'un processus logique, d'un raisonnement. Le discours apparaît comme une suite de jugements présents dans un ordre méthodique.

Légal / Légitime

Légal : ce qui est conforme au droit positif, c'est-à-dire au droit établi dans un État. La légalité, ce sont les lois, les codes tels qu'on les enseigne dans les facultés de droit. Le droit positif n'a rien d'universel et la légalité varie d'un État à l'autre.
Légitime : ce qui est conforme au droit idéal, ce qui doit être pour que la justice soit respectée.
Exemples : dans un État despotique, la torture peut être légale c'est-à-dire autorisée par la loi. Cela ne la rend pas légitime c'est-à-dire juste. Inversement, la liberté d'expression n'est pas reconnue légalement dans certains États. Elle est pourtant légitime.

Médiat / Immédiat

Médiat : avec intermédiaire.
Immédiat : sans intermédiaire

Objectif / Subjectif

Objectif : au XVII° siècle, une chose est dite objective lorsqu'elle est considérée uniquement en tant qu'objet de pensée indépendamment de sa réalité extérieure à l'esprit (contraire alors de « formel » qui signifie à l'époque « ce qui existe effectivement » quand « objectif » signifie « ce qui n'existe que dans la pensée »)
À partir de Kant, est objectif soit ce qui existe indépendamment de la pensée, soit ce qui se présente comme un objet de pensée fondé, valable pour tous les esprits et non pour un esprit individuel
. Subjectif : tout ce qui appartient au sujet percevant ou connaissant et non à l'objet perçu ou connu.

Obligation / Contrainte

Obligation : qui découle d'un devoir.
Contrainte : lien ou règle qui limite, entrave ou empêche l'action.
L'obligation est donc un cas particulier de contrainte, à savoir la contrainte morale. Ce qui la caractérise est d'être tout à fait compatible avec la liberté. C'est en effet librement que je consens à suivre mon devoir. Être obligé n'est pas être forcé. La distinction obligation / contrainte nous montre donc que, parmi les différentes formes de contraintes, existent des contraintes libératrices.

Origine / fondement

Origine : commencement de fait d'un processus. Cause.
Fondement : commencement de droit, point de départ logique. Ce sur quoi repose en droit une réalité, une connaissance. Fondement est synonyme de principe.

Persuader / convaincre

Dans les deux cas, il s'agit d'obtenir l'accord de l'autre.
Persuader c'est faire appel aux émotions, à l'affectivité de l'autre. Nous sommes dans l'ordre de la manipulation.
Convaincre c'est faire appel à la raison d'autrui, donner des preuves, lui démontrer la vérité d'une proposition.

Ressemblance / analogie

La ressemblance suppose une comparaison entre deux termes alors qu 'une analogie suppose la mise en relation de quatre termes.
Ressemblance : Deux choses sont ressemblantes si elles présentent des identités qui peuvent même aller jusqu'à la confusion qui fait prendre l'une pour l'autre.
Analogie : un raisonnement analogique (du grec analogia qui signifie proportion) est un raisonnement propositionnel de type a/b = c/d ou a/b = b/c. Ce ne sont donc pas les quatre termes qui sont comparés mais seulement les relations qui les unissent deux par deux.

En théorie / En pratique

Théorie connaissance contemplative pure et désintéressée chez les Grecs. En science, ensemble lié d'énoncés qui rendent compte rationnellement d'un groupe de phénomènes.
Pratique : ce qui concerne l'action morale et politique.
Si dans l'Antiquité, l'opposition entre la théorie et la pratique est franche, dans le sens moderne au contraire la théorie explique le réel et permet donc, par la connaissance de ses lois, de le transformer.

Transcendant / Immanent

Transcendant : ce qui est au-delà du domaine où l'on se place et d'une autre nature (au-delà signifie ici extérieur)
Immanent : intérieur à l'être, à l'acte, à l'objet de pensée que l'on considère.
Transcendance et immanence ne sont pas des choses mais des rapports.
Exemple : Dieu, dans le christianisme, est transcendant au monde. Les dieux grecs sont immanents puisqu'ils viennent goûter aux plaisirs terrestres.

Universel / Général / Particulier / Singulier

Universel : qui vaut pour tous les individus d'une classe d'objets dans aucune exception.
Général : qui vaut dans la majorité des cas mais peut admettre quelques exceptions. Qui vaut pour tous les éléments d'un genre.
Particulier : qui vaut pour quelques cas.
Singulier : qui vaut pour un seul cas.
Exemples : « tous les hommes sont mortels » est une proposition universelle.
Les lois d'un État sont générales. Elles ne valent pas pour d'autres États.
Dire que quelques hommes sont chauves c'est énoncer une proposition particulière
. Enfin, si j'affirme que Flaubert a écrit Mme Bovary, j'énonce une proposition singulière puisqu'elle ne vaut que pour Flaubert.