Diderot

Avec d'Alembert, il dirigea L'Encyclopédie durant un quart de siècle, ce qui ne l'empêcha pas d'écrire une prolifique œuvre personnelle philosophique et littéraire. Représentant de l'esprit des Lumières, il est aussi une importante figure du matérialisme athée.

Sommaire

Les sources de sa pensée.

La vie de Diderot

Apport conceptuel.

Principales œuvres.

Les sources de sa pensée.

La première source de sa pensée est l'atomisme antique de Lucrèce. Il est aussi influencé par les débuts de la biologie, par Buffon par exemple. On notera aussi une influence de l'empirisme de Locke. Il admirait Montesquieu, était ami de d'Holbach. Enfin il fréquenta bien sûr les encyclopédistes.

La vie de Diderot

Denis Diderot naît le 5 octobre 1713 à Langres dans une famille de riches couteliers. Son père aura sur lui une influence décisive. Denis aura quatre sœurs dont la plus jeune finira folle dans un couvent et un frère qui deviendra un prêtre intolérant et buté.
Diderot fait ses études au collège des jésuites de Langres afin de devenir prêtre. Il entre ensuite au collège janséniste d'Harcourt à Paris (ou à Louis Le Grand, chez les jésuites, les avis ici sont divergents). En 1732, il est reçu maître ès arts (ce qui correspond à notre baccalauréat). Il commence des études de droit à la Sorbonne mais les interrompt pour mener une vie de bohème dont nous ne savons pas grand chose. Il rencontre en 1741 Antoinette Champion qu'il épousera contre le vœu de son père en 1743 (son père n'apprendra le mariage qu'en 1749). Entre temps, il traduit "L'histoire de la Grèce" de Temple Stanyan et se lie à Rousseau. Ses trois premiers enfants meurent en bas âge puis, en 1753, naît Marie-Angélique qui deviendra plus tard son biographe. Par l'intermédiaire de Rousseau, il rencontre Condillac en 1744. La publication, en 1746 des Pensées philosophiques lui vaut une première condamnation. Diderot a évolué vers le déisme et la religion naturelle. Il n'ose publier la Promenade du sceptique (écrite en 1747 mais publiée seulement en 1830). Il publie en 1748 les Bijoux indiscrets. C'est l'année de parution de L'esprit des Lois de Montesquieu qui marque le début de la vogue des Lumières (avec les œuvres de La Mettrie, Condillac etc.).
Dès 1747, D'Alembert et Diderot se voient confier la direction de L'Encyclopédie. Une grande aventure commence qui va durer jusqu'en 1766.
En 1749, Diderot commet l'imprudence de publier sa Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Son déisme s'est transformé en matérialisme athée. Il est arrêté et emprisonné en juillet au donjon de Vincennes. Rousseau lui rendra visite (on prétend que la thèse du Discours sur les sciences et les arts de Rousseau aurait été alors suggérée par Diderot). Libéré en novembre 1749, Diderot se consacre désormais à l'élaboration de L'Encyclopédie tout en poursuivant parallèlement son œuvre personnelle. Le tome 1 de L'Encyclopédie paraît en 1751. Diderot publie la même année la Lettre sur les sourds et muets et, de 1752 à 1754, prend parti pour les Italiens dans la querelle des Bouffons. Ses Pensées sur l'interprétation de la nature paraissent en 1753. Le tome 3 de L'Encyclopédie (œuvre déjà condamnée par un conseil du roi) paraît la même année. Le tome 7, paru en 1757, contient l'article Genève de d'Alembert. Rousseau s'éloigne des encyclopédistes. À la suite de la guerre des cacouacs contre les philosophes, d'Alembert déserte et Diderot reste seul à la tête de L'Encyclopédie, tenant bon pour ne pas ruiner les libraires.
En 1757 paraît une pièce de théâtre Le fils naturel (qui ne sera représentée qu'en 1771) et en 1758 le Discours sur la poésie dramatique et la pièce de théâtre Le père de famille (jouée en 1761). L'Encyclopédie est interdite dès mars 1759. En septembre Diderot rédige son premier Salon qui fait de lui le créateur de la critique d'art. Il écrit La religieuse en 1760. Diderot se consacre aux dix derniers tomes de L'Encyclopédie qui ne seront distribués qu'en janvier 1766. Entre temps (1762) il écrit Le Neveu de Rameau. Il découvre en 1764 que son libraire Le Breton avait osé censuré L'Encyclopédie.
En 1765, l'impératrice Catherine II de Russie lui achète sa bibliothèque dont elle lui laisse à vie la jouissance. En 1769 il écrit Le rêve de d'Alembert, en 1771 Jacques le fataliste et en 1772 le Supplément au voyage de Bougainville. En 1773, c'est le Paradoxe du comédien. La même année, invité par Catherine II, il se rend à Saint-Pétersbourg pour un voyage de cinq mois.
À partir de 1776, sa santé commence à décliner et il écrit plus rarement. Il meurt à Paris le 31 juillet 1784 dans son fauteuil.

Apport conceptuel.

Diderot préfère à l'évidence cartésienne la certitude expérimentale. La philosophie doit s'inspirer des sciences. Les sciences s'éclairent par des théories qui sont, pour le philosophe, une recherche des principes constituant certes une métaphysique, mais une métaphysique sans Dieu ni âme qui recherche les principes constitutifs du monde et de la nature (et donc de l'expérience).

Le monde est un tout matériel. La nature se réduit à une seule substance matérielle (d'où le terme de "monisme matérialiste, du grec monos qui veut dire "seul"). La matière, sans vide, est constituée de molécules hétérogènes (il n'y en a pas deux d'identiques). Le mouvement est essentiel à la matière c'est à dire qu'elle se meut d'elle-même sans avoir besoin d'une impulsion divine (cette thèse s'oppose aux déistes).
Une profonde parenté chimique existe entre le règne animal, le règne végétal et la matière inerte. Il ne faut donc pas opposer l'inanimé au vivant ou l'âme au corps. Les molécules sont, d'une certaine façon, vivantes. S'assemblant au hasard, durant l'infinité des siècles, elles forment les organismes. La sensibilité morte des molécules devient sensibilité vive. La conscience elle-même est le résultat d'un assemblage aléatoire de la matière. Précurseur de Lamarck, Diderot pense que la nature produit des organismes de plus en plus complexes, à la fois par influence du monde extérieur et par activité interne. Parmi ces organismes, certains survivent tandis que d'autres, inaptes à durer, disparaissent rapidement. L'existence même de ces ratés de la nature prouve que Dieu n'existe pas ou alors le céleste horloger des déistes est bien malhabile (ce qui est incompatible avec les attributs divins).
La raison a une origine physiologique mais aussi sociale. La raison a besoin pour se développer de la société. Elle accède alors au langage conventionnel et, de simple faculté d'adaptation à la nature, elle devient réfléchie et prévoyante.
Sans Dieu, comment fonder la morale ? Diderot répond que pour distinguer le juste et l'injuste il suffit de suivre la nature et d'écouter son instinct. L'athée règle son comportement sur ses besoins, sa sensibilité et le bien commun. La société humanise les tendances individuelles et doit subordonner les intérêts privés à l'intérêt général (même si l'ignorance pervertit les règles naturelles de la société et crée fanatisme et inégalité). Diderot n'est pas opposé à la propriété si elle est fondée sur le travail. La propriété s'étend à la possession des enfants et des œuvres de la pensée. En revanche, elle ne s'étend pas aux femmes. Diderot, favorable à une libération de la femme, défend aussi le divorce.
La morale n'est pas absolue. Elle dépend de notre physiologie (dans un monde d'aveugle le vol serait puni plus sévèrement) mais aussi chaque nation se fait la sienne. Diderot prône un naturalisme utilitaire, une morale réconciliée avec la nature. Ce qui est premier est l'égoïsme et aussi la cruauté (principe d'énergie). Chaque homme cherche d'abord son plaisir et cherche à éviter la douleur mais il faut bien voir qu'il existe aussi du plaisir à secourir un malheureux ou à s'occuper de ses enfants. Le bon et le mauvais sont changés par la société en bien et en mal. L'amour propre s'élève à l'intérêt général. La société donne l'idéal d'une morale universelle respectable par tous. Ni innée, ni fondée en Dieu, la morale est donc conquise par l'évolution sociale. L'énergie présente dans le crime et la cruauté peut se mettre au service de la vertu. Le libre arbitre, lui, n'existe pas et la liberté consiste à utiliser les lois de la nature pour promouvoir le progrès moral par la science et la politique.
En esthétique, Diderot garde la thèse traditionnelle d'un art imitant la nature. Mais l'imitation présuppose un modèle idéal. L'artiste doit créer selon les lois de la nature mais, n'étant pas un savant, il imite les apparences. Le modèle n'est pas le vrai mais est semblable au vrai. Par exemple, les hommes sont modelés par la société, le milieu. En comparant les différents humains nous finissons par remonter à l'homme naturel et donc idéal, celui qu'il est avant la société. Le modèle idéal peut être réalisé par l'habitude de l'observation et la fréquentation des grandes œuvres. Mais il provient aussi du génie qui vient de la nature. Exécuter une œuvre suppose aussi la maîtrise, suppose de garder la tête froide ce qui est aussi valable pour le comédien dont l'émotion doit être répétée, perfectionnée et ordonnée. Ainsi, lorsqu'il monte sur scène, il n'est plus que l'exécutant d'un rôle déjà créé au cours des répétitions. On voit donc que le beau n'est pas un plaisir spontané mais un plaisir réfléchi dans l'imitation. Diderot veut réformer le roman et le théâtre pour en chasser l'invraisemblable.

Les principales œuvres.

Outre de nombreux articles destinés L'Encyclopédie (1747-1766), Diderot a écrit des essais de philosophie et d'esthétique :

  • Pensées philosophiques (1746)
  • La promenade du sceptique (1747)
  • Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient (1749)
  • Le rêve de d'Alembert (1769)
  • Paradoxe sur le comédien (1773)

Il a écrit aussi des romans :

  • La religieuse (1760)
  • Jacques le Fataliste (1771)

S'ajoutent à cette œuvre des pièces de théâtre :

  • Le fils naturel (1757)
  • Le père de famille (1758)

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