-15 milliards d'années | Naissance supposée de l'univers:"Big Bang" |
-4,5 milliards | Naissance du système solaire et donc de la terre |
-3,5 milliards | Apparition de la vie sur terre dans les océans |
-4 à -1,5 millions | Australopithèques (Lucy) Premiers instruments |
-3 à -2,5 ou -1,7 millions | Homo habilis. Inventeur des premiers instruments façonnés intentionnellement. Début du paléolithique (économie de chasse et de cueillette - âge de la pierre taillée): paléolithique archaïque |
-1,7 ou 1,6 millions à -100 000 | Homo erectus. Il domestique le feu vers -400 000 |
-400 000 à -100 000 | Paléolithique inférieur (Acheuléen). Industrie du biface |
-200 000 à -100 000 | Levalloisien (?) |
-80 000 à - 35 000 | Homo sapiens néenderthalis. Il invente le culte funéraire. Paléolithique moyen (Moustérien): utilisation des éclats de silex (pointes, racloirs) |
-35 000 | Apparition de l'homo sapiens sapiens Début du paléolithique supérieur .Aurignacien et Périgordien (-35 000 à -20 000) .Solutréen (-20 000 à -16 000): invention de l'aiguille à chas, Technique fine de la taille de la pierre .Magdalénien (-16 000 à -8 000): art pariétal (Lascaux...) .Epipaléolithique et Mésolithique (-8 000 à -5 000) Récolte intensive de coquillages. |
-10 000 à -2 000 | Néolithique (âge de la pierre polie). .Elevage, agriculture, sédentarisation. .Céramique.Architecture mégalithique (Dolmens, menhirs...) .Début de l'utilisation des métaux |
-3 500 à -2 000 | Invention de l'écriture (Sumer, Egypte) |
-2 000 | Début de l'âge de bronze. |
VII°, VI° siècle av JC | Le "Miracle grec"- Les pré socratiques: naissance de la philosophie et des mathématiques. |
Texte n°1 :
On lit dans les traités d'ethnologie – et non des moindres – que l'homme doit la connaissance du feu au hasard de la foudre ou d'un incendie de brousse; que la trouvaille d'un gibier accidentellement rôti dans ces conditions lui a révélé la cuisson des aliments; que l'invention de la poterie résulte de l'oubli d'une boulette d'argile au voisinage d'un foyer. On dirait que l'homme aurait d'abord vécu dans une sorte d'âge d'or technologique, où les inventions se cueillaient avec la même facilité que les fruits et les fleurs. À l’homme moderne seraient réservées les fatigues du labeur et les illuminations du génie.
Cette vue naïve résulte d'une totale ignorance de la complexité et de la diversité des opérations impliquées dans les techniques les plus élémentaires. Pour fabriquer un outil de pierre taillée efficace, il ne suffit pas de frapper sur un caillou jusqu’à ce qu’il éclate: on s’en est bien aperçu le jour où l’on a essayé de reproduire les principaux types d'outils préhistoriques. Alors – et aussi en observant la même technique chez les indigènes qui la possèdent encore – on a découvert la complication des procédés indispensables et qui vont, quelquefois, jusqu’à la fabrication préliminaire de véritables " appareils à tailler ": marteaux à contrepoids pour contrôler l'impact et sa direction; dispositifs amortisseurs pour éviter que la vibration ne rompe l'éclat. II faut aussi un vaste ensemble de notions sur l'origine locale, les procédés d'extraction, la résistance et la structure des matériaux utilisés, un entraînement musculaire approprié, la connaissance des " tours de main ", etc.; (...)
De même, des incendies naturels peuvent parfois griller ou rôtir; mais il est très difficilement concevable (hors le cas des phénomènes volcaniques dont la distribution géographique est restreinte) qu'ils fassent bouillir ou cuire à la vapeur. Or ces méthodes de cuisson ne sont pas moins universelles que les autres. Donc on n'a pas de raison d'exclure l'acte inventif, qui a certainement été requis pour les dernières méthodes, quand on veut expliquer les premières.
La poterie offre un excellent exemple parce qu'une croyance très répandue veut qu'il n'y ait rien de plus simple que de creuser une motte d'argile et la durcir au feu. Qu'on essaye. II faut d'abord découvrir des argiles propres à la cuisson; or, si un grand nombre de conditions naturelles sont nécessaires à cet effet, aucune n'est suffisante, car aucune argile non mêlée à un corps inerte, choisi en fonction de ses caractéristiques particulières, ne donnerait après cuisson un récipient utilisable. II faut élaborer les techniques du modelage qui permettent de réaliser tour de force de maintenir en équilibre pendant un temps appréciable, et de modifier en même temps, un corps plastique qui ne " tient " pas; il faut enfin découvrir le combustible particulier, la forme du foyer, le type de chaleur et la durée de cuisson , qui permettront de le rendre solide et imperméable, à travers tous les écueils des craquements, effritements et déformations. On pourrait multiplier les exemples.
Toutes ces opérations sont beaucoup trop nombreuses et trop complexes pour que le hasard puisse en rendre compte. Chacune d'elles, prise isolément, ne signifie rien, et c'est leur combinaison imaginée, voulue, cherchée et expérimentée qui seule permet la réussite. Le hasard existe sans doute, mais ne donne par lui-même aucun résultat.
Texte n°2:
« Il fut jadis un temps où les dieux existaient mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments qui s'allient au feu et à la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et d'attribuer à chacun les qualités appropriées. Mais Epiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. "Quand je l'aurai fini, dit-il, tu viendras l'examiner". Sa demande accordée, il fit le partage et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d'autres moyens de conservation; car à ceux d'entre eux qu'il logeait dans un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain; pour ceux qui avaient l'avantage d'une grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens d'échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les saisons de Zeus; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres à chacun d'eux; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de corne, soit des peaux caleuses et dépourvues de sang; ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les espèces, aux uns l'herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines; à quelques-uns mêmes il donna d'autres animaux à manger; mais il limita leur fécondité et multiplia celle de leurs victimes, pour assurer le salut de la race.
Cependant, Epiméthée, qui n'était pas très réfléchi, avait sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage; il voit les animaux bien pourvus, mais l'homme nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l'amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de se conserver, vole à Héphaistos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu; car, sans le feu, la connaissance des arts était impossible et inutile; et il en fait présent à l'homme. L'homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie; mais il n'avait pas la science politique; celle-ci se trouvait chez Zeus, et Prométhée n'avait plus le temps de pénétrer dans l'acropole que Zeus habite et où veillent d'ailleurs des gardes redoutables. Il se glisse donc furtivement dans l'atelier commun où Athéna et Héphaistos cultivaient leur amour des arts, il y dérobe au dieu son art de manier le feu et à la déesse l'art qui lui est propre, et il en fait présent à l'homme, et c'est ainsi que l'homme peut se procurer des ressources pour vivre. »
Texte n°3 :
« Ce n'est pas parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des êtres, mais c'est parce qu'il est le plus intelligent qu'il a des mains. En effet, l'être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d'outils: or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C'est donc à l'être capable d'acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l'outil de loin le plus utile, la main. Aussi, ceux qui disent que l'homme n'est pas bien constitué et qu'il est le moins bien partagé des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et n'a pas d'armes pour combattre), sont dans l'erreur. Car les autres animaux n'ont chacun qu'un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour un autre, mais ils sont forcés, pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir et pour faire n'importe quoi d'autre, et ne doivent jamais déposer l'armure qu'ils ont autour de leur corps ni changer l'arme qu'ils ont reçue en partage. L'homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible d'en changer et même d'avoir l'arme qu'il veut et quand il le veut. Car la main devient griffe, serre, corne, ou lance ou épée ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu'elle est capable de tout saisir et de tout tenir. »
Texte n°4 :
En ce qui concerne l'intelligence humaine, on n'a pas assez remarqué que l'invention mécanique a d'abord été sa démarche essentielle, qu'aujourd'hui encore notre vie sociale gravite autour de la fabrication et de l'utilisation d'instruments artificiels, que les inventions qui jalonnent la route du progrès en ont aussi tracé la direction. Nous avons de la peine à nous en apercevoir, parce que les modifications de l'humanité retardent d'ordinaire sur les transformations de son outillage. Nos habitudes individuelles et même sociales survivent assez longtemps aux circonstances pour lesquelles elles étaient faites, de sorte que les effets profonds d'une invention se font remarquer lorsque nous en avons déjà perdu de vue la nouveauté. Un siècle a passé depuis l'invention de la machine à vapeur, et nous commençons seulement à ressentir la secousse profonde qu'elle nous a donnée. La révolution qu'elle a opérée dans l'industrie n'en a pas moins bouleversé les relations entre les hommes. Des idées nouvelles se lèvent. Des sentiments nouveaux sont en voie d'éclore. Dans des milliers d'années, quand le recul du passé n'en laissera plus apercevoir que les grandes lignes, nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de choses, à supposer qu'on s'en souvienne encore; mais de la machine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée; elle servira à définir un âge. Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l'histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens, mais Homo faber. En définitive, l'intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et d'en varier indéfiniment la fabrication.